Cliquez ici >>> ⛸️ ce que c est que la mort victor hugo
Cepoème se situe après la rupture marquée par une ligne de points entre le poème II, « le 15 février 1843 » et le III « trois ans après » qui symbolise la mort de Léopoldine. C’est un poème en quatre strophes de six vers composées en deux alexandrins, un sizain puis deux alexandrins et un sizain. Les rimes suivent le schéma
Listedes citations de Victor Hugo sur reverie classées par thématique. La meilleure citation de Victor Hugo préférée des internautes. Retrouvez toutes les phrases célèbres de Victor Hugo parmi une sélection de + de 100 000 citations célèbres provenant d'ouvrages, d'interviews ou de discours. Lisez le TOP 10 des citations de Victor Hugo pour mieux comprendre sa vie, ses
Leprodige de ce grand départ céleste qu'on appelle la mort, [] - Victor Hugo. citation 1. Le prodige de ce grand départ céleste qu'on appelle la mort, c' est que ceux qui partent ne s' éloignent point. Ils sont dans un monde de clarté, mais ils assistent, témoins attendris, à notre monde de ténèbres. Ils sont en haut et tout près.
Suiteau coup d’Etat du 2 décembre 1851 où l’armée occupe Paris, une partie de la population parisienne se révolte. Les 3 et 4 décembre 1851, Napoléon III, qui prend le pouvoir de force, fait tirer sur la foule.Environ quatre cents personnes trouvent la mort. Victor Hugo s’exile et ne rentrera en France qu’en 1870, après la défaite de Napoléon III à Sedan.
Laplus grande défaite de Napoléon fera sa gloire : « L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c’est Cambronne », dit Victor Hugo. « Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine ! Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine, Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons, La pâle mort mêlait les sombres bataillons. » 1947
Comment Rencontrer Quelqu Un Quand On Ne Sort Pas. Les grandsclassiques Poésie Française 1 er site français de poésie Les Grands classiques Tous les auteurs Victor HUGO Ce que c'est que la mort Ce que c'est que la mort Ne dites pas mourir ; dites naître. voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l'homme mauvais que je suis, que vous êtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;On tâche d'oublier le bas, la fin, l'écueil,La sombre égalité du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;Car tous les hommes sont les fils du même père ;Ils sont la même larme et sortent du même vit, usant ses jours à se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, noué des mille noeuds funèbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ; Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est béni, Sans voir la main d'où tombe à notre âme méchante L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, d'extase et d'azur s'emplissant, Tout notre être frémit de la défaite étrange Du monstre qui devient dans la lumière un ange.
Le 3 février 1829, la première édition, anonyme, du Dernier Jour d'un Condamné déroute les critiques comment ? On ne connaît même pas le crime du personnage principal !... Même pas un mois plus tard, Victor Hugo ajoute une préface sous forme de comédie, où il met en scène ses détracteurs LE POËTE ÉLÉGIAQUE — Ce criminel, [...] qu’a-t-il fait ? on n’en sait rien. [...] Moi, J’eusse conté l’histoire de mon condamné. [...] Un crime qui n’en soit pas un. Et puis des remords, [...] beaucoup de remords. Mais [...] il faut qu’il meure. Et là j’aurais traité ma question de la peine de mort. LE PHILOSOPHE — Pardon. Le livre, comme l’entend monsieur, ne prouverait rien. La particularité ne régit pas la généralité. Victor Hugo, Préface du Dernier Jour d'un Condamné, 1829. En 1832, Victor Hugo publie une nouvelle préface, où il révèle enfin, sans ambiguïté, son projet littéraire L'auteur [...] avoue hautement que Le Dernier Jour d'un Condamné n'est autre chose qu'un plaidoyer [...] pour l'abolition de la peine de mort. Ce qu'il a eu dessein de faire, [...] ce n'est pas la défense [...] toujours transitoire, [...] de tel ou tel accusé [...] c'est la plaidoirie générale et permanente pour tous les accusés présents et à venir. Victor Hugo, Préface du Dernier Jour d'un Condamné, 1832. Vous connaissez les types de texte ici, on va plutôt trouver du narratif et du descriptif, mais, pour expliquer et argumenter de façon sous-jacente. On parle ainsi d'argumentation indirecte ou d'apologue quand la visée argumentative passe par le récit. On désigne souvent Le Dernier Jour d’un Condamné comme un roman à thèse la réflexion philosophique et politique dirige l'intrigue. Mais on va voir que la question du genre littéraire est plus complexe que cela. En tout cas, on va rester attentifs à tous les arguments de Victor Hugo contre la peine de mort, cachés dans le récit. I — Bicêtre. Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence. Autrefois [...] j'étais un homme comme un autre homme. [...] Maintenant je suis captif [...] d'une idée [...] Elle est toujours là, [...] comme un spectre de plomb à mes côtés. [...] Je n’ai plus qu’une pensée, qu’une conviction, qu’une certitude condamné à mort ! Dès les premiers mots, le passé s'oppose au présent à partir du moment où l'accusé se sait condamné, il n'est plus un homme, en tout cas, il n'est plus un homme comme un autre homme. Symboliquement, il a quitté le monde des vivants. Victor Hugo joue sans cesse avec les registres littéraires. D'abord le pathétique, pour inspirer la pitié, avec des exclamations, répétitions, souffrances concrètes, effets d'amplification. Mais on tend aussi vers le registre lyrique l'expression poétique d'une douleur à la première personne. On peut même parler d'un lyrisme élégiaque cette douleur est causée par une perte, un deuil, la fuite du temps, la mort. D'ailleurs, tout le texte sera à la première personne. Quel est ce genre littéraire ? Une autobiographie ? Des Mémoires ? Non le narrateur n'est pas un auteur réel, il n'a pas de rôle historique. Ici, le déroulement des pensées rappelle le monologue intérieur et les entrées à intervalles réguliers évoquent le Journal, mais on ne trouve pas de dates. Dans ses préfaces, Victor Hugo ne tranche pas, il semble surtout vouloir jouer avec l'effet de vraisemblance Ou il y a eu, en effet, une liasse de papiers [...] sur lesquels on a trouvé [...] les dernières pensées d’un misérable ; ou il s’est rencontré un homme, [...] un poète, [...] [saisi par] cette idée, [et qui] n’a pu s’en débarrasser qu’en la jetant dans ce livre. Victor Hugo, Préface du Dernier Jour d'un Condamné, Retour en arrière, le narrateur n’est pour l’instant qu’un simple accusé, que le guichetier emmène en salle d’audience C’était par une belle matinée d’août. Il y avait trois jours que mon procès était entamé, trois jours que mon nom et mon crime ralliaient chaque matin une nuée de spectateurs, qui venaient s’abattre sur les bancs de la salle d’audience comme des corbeaux autour d’un cadavre. C'est ici une première référence au théâtre la peine de mort attise la curiosité et devient un spectacle, on parlerait aujourd'hui d'un théâtre médiatique. Mais cela va plus loin... Les corbeaux représentent les gens de la cour de justice comme des charognards qui se nourrissent des morts. C'est un premier argument contre la peine de mort elle déshumanise la société. Vous allez voir que Victor Hugo utilise souvent des images impressionnantes, car il souhaite convaincre, et persuader. Convaincre, c'est faire appel à des arguments rationnels. Persuader, sollicite en plus des émotions, et donc, des images. Or justement, la comparaison va relier les deux dimensions, regardez derrière l'argument rationnel les hommes ont une fascination pour la mort, on trouve une image émotive les corbeaux se nourrissent d'un cadavre. Le point commun, c'est l'horreur instinctive que nous inspirent les charognards. À ce moment du récit, l’accusé n’est pas encore condamné à mort, mais son destin est déjà annoncé par cette image de cadavre. Victor Hugo joue avec le registre tragique le héros est écrasé par un destin, une fatalité qui le dépasse. Quand l’accusé arrive à sa place, il se fait un grand silence Au moment où le tumulte cessa dans la foule, il cessa aussi dans mes idées. Je compris tout à coup clairement [...] que le moment décisif était venu, et que j’étais là pour entendre ma sentence. Pour mettre en valeur une idée, Victor Hugo utilise souvent des effets de contraste violents. L'accusé n'éprouve pas de terreur à ce moment là, parce qu'il regarde une fleur Au bord de la croisée, une jolie petite plante jaune, toute pénétrée d’un rayon de soleil, jouait avec le vent dans une fente de la pierre. C'est ce qu'on appelle la focalisation interne toutes les marques de subjectivité se rapportent au même personnage principal perceptions, pensées, souvenirs, opinions, sentiments... Le lecteur va vivre l'expérience du point de vue du personnage principal, qui assiste à son procès sans tout comprendre. Par exemple, il est obligé d’interpréter les attitudes des personnes présentes Les juges, au fond de la salle, avaient l’air satisfait, probablement de la joie d’avoir bientôt fini. [...] Les jurés seuls paraissaient blêmes et abattus, mais c’était apparemment de fatigue d’avoir veillé toute la nuit. Cette fatigue des jurés introduit un nouvel argument ils portent une responsabilité écrasante, d'autant que la mort d'un innocent serait irréparable. Lors de l'abolition de la peine de mort en France en 1981, Robert Badinter développe cet argument dans son discours Douze personnes, dans une démocratie, qui ont le droit de dire celui-là doit vivre, celui-là doit mourir ! Je le dis cette conception de la justice ne peut être celle des pays de liberté. Robert Badinter, Discours à l’Assemblée Nationale, 1981. Arrive alors l'avocat qui se veut rassurant — Ils auront sans doute écarté la préméditation, et alors ce ne sera que les travaux forcés à perpétuité. — Que dites-vous là, monsieur ? [...] Plutôt cent fois la mort ! Avec cette réaction, Victor Hugo veut montrer que la peine de mort n’est pas dissuasive. En fait, la mort est même souvent préférée à la perpétuité car elle semble abréger la punition, le condamné ne parvient pas à imaginer sa propre mort Qu’est-ce que je risque à dire cela ? A-t-on jamais prononcé sentence de mort autrement qu’à minuit, [...] par une froide nuit [...] d’hiver ? Mais au mois d’août, [...] un si beau jour, [...] c’est impossible ! Tout à coup, le président invite tout le monde à se lever Une figure insignifiante et nulle, [...] c’était, je pense, le greffier, [...] lut le verdict. [...] Une sueur froide sortit de tous mes membres ; je m’appuyai au mur pour ne pas tomber. Le narrateur ne rapporte pas la sentence, seulement sa propre réaction physique comme assourdi et hors de lui-même. Victor Hugo joue ici avec les limites de la focalisation interne. Une révolution venait de se faire en moi. [...] Je distinguais clairement comme une clôture entre le monde et moi. [...] Ces hommes, ces femmes, ces enfants qui se pressaient sur mon passage, je leur trouvais des airs de fantômes. Dès que la sentence tombe, le condamné est irrémédiablement séparé du monde des vivants. Victor Hugo va d'abord illustrer cette idée en jouant avec le registre fantastique le surnaturel fait irruption dans la réalité. Les vivants sont comme des fantômes pour le condamné, et réciproquement. Deux jeunes filles me suivaient avec des yeux avides. — Bon, [...] ce sera dans six semaines ! C'est une première marque d'humour noir de Victor Hugo la sentence de mort est une bonne nouvelle pour ces jeunes filles. Alors qu'on imagine ces personnages plus aptes à la compassion, au contraire, elles font preuve de sadisme. Dans ces conditions, la peine de mort n'a plus rien de dissuasif. Nous nions [...] qu’il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l’effet qu’on en attend. Loin d’édifier le peuple, [...] il ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu. Victor Hugo, Préface du Dernier Jour d'un Condamné, 1832. Avec ces jeunes filles, Victor Hugo montre comment les spectateurs perdent leur humanité en suivant les exécutions. Aujourd’hui encore, même alors que l’exécution n’est pas publique, on retrouve cette fascination. Regardez par exemple le moment de la mort de Ted Bundy, un célèbre serial killer américain. III Dans son cachot, le narrateur essaye de trouver des raisons d’accepter son sort... Les hommes, [...] sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis. Qu’y a-t-il donc de si changé à ma situation ? Depuis l’heure où mon arrêt m’a été prononcé, combien sont morts qui s’arrangeaient pour une longue vie ! Ah, n’importe, c’est horrible ! Ici, Victor Hugo montre la différence entre la conscience de la mort, le concept philosophique, et la sentence de mort, qui produit un isolement radical et désespérant. Vous verrez que sans cesse le condamné oscille entre espoir et désespoir. IV Maintenant, notre condamné est transféré à Bicêtre, qui a été construit par Louis XIII sur les ruines d'une ancienne forteresse. Le bâtiment sert d'abord à soigner les soldats invalides, mais on finit par y garder aussi les vagabonds, les aliénés, les criminels, et même les homosexuels et les prisonniers politiques. Vu de loin, cet édifice [...] garde quelque chose de son ancienne splendeur. [...] Mais à mesure que vous approchez, le palais devient masure. [...] Aux fenêtres [...] de massifs barreaux de fer [...] auxquels se colle [la] figure d’un galérien ou d’un fou. C’est la vie vue de près. On entre de plain pied dans le registre réaliste un regard qui s’attache aux détails sordides d’une réalité banale. Et c’est là ce que veut nous montrer Victor Hugo ce cadre atroce constitue le quotidien de tous les prisonniers. V Victor Hugo donne juste assez d'informations sur le condamné pour favoriser l'identification et garder une dimension universelle à son témoignage. Ma jeunesse, ma docilité, [...] quelques mots en latin [...] m’ouvrirent la promenade une fois par semaine [...] et firent disparaître la camisole où j’étais paralysé. Après bien des hésitations, on m’a aussi donné de l’encre [et] du papier. Le condamné peut donc écrire son histoire au fur et à mesure. C'est une manière pour Victor Hugo de préserver la vraisemblance. On se rapproche du genre du journal, mais sans les dates. Notre condamné à mort rencontre aussi les autres détenus, qui lui parlent en argot. Ils m’apprennent [...] à rouscailler bigorne, comme ils disent. [...] Épouser la veuve être pendu, [...] le taule le bourreau, la cône la mort, la placarde la place des exécutions. Quand on entend parler cette langue, cela fait l’effet [...] d’une liasse de haillons que l’on secouerait devant vous. C'est un autre trait de l'écriture de Victor Hugo il mélange les niveaux de langage soutenu, courant, familier. Mais vous allez voir que cela permet surtout d’illustrer des modes d’expression variés la prose, le vers, l’oral, l’écrit, le chant et même la danse. VI Maintenant qu’il a de l’encre et du papier, le condamné se pose la première question de l'écrivain pourquoi écrire ? Pourquoi n’essaierais-je pas de me dire à moi-même tout ce que j’éprouve de violent et d’inconnu dans la situation abandonnée où me voilà ? [...] Ces angoisses, le seul moyen d’en moins souffrir, c’est de les observer. Mais il songe aussi que son témoignage pourrait être lu par d’autres, et notamment par les juges N’y aura-t-il pas [...] dans cette espèce d’autopsie intellectuelle d’un condamné, plus d’une leçon pour ceux qui condamnent ? Se sont-ils jamais seulement arrêtés à cette idée poignante que dans l’homme qu’ils retranchent il y a une intelligence [...] ? Non. Ils ne voient dans tout cela que la chute verticale d’un couteau triangulaire, et pensent sans doute [...] qu'il n’y a rien avant, rien après. Ces feuilles les détromperont. Pour faire reculer l’ignorance, le scientifique doit regarder de près la réalité, il fait une autopsie. Mais la peine de mort, par son sensationnalisme et son instantanéité, nous focalise sur la souffrance physique elle cache l’avant et l’après. Avant, c’est la souffrance morale, et après, c’est aussi une interrogation importante aux yeux de Victor Hugo nul ne sait si l’âme existe et ce qu’elle devient après la mort. La peine de mort nie à la fois l’intelligence humaine et la spiritualité. VII Le condamné se met aussitôt à douter de ses raisons d'écrire. Que ce que j’écris ici puisse être un jour utile à d’autres, [...] à quoi bon ? [...] Quand ma tête aura été coupée, qu’est-ce que cela me fait qu’on en coupe d’autres ? [...] Ah ! c’est moi qu’il faudrait sauver ! C'est un nouvel argument que Victor Hugo présente ici une fois condamné, le coupable ne songe plus qu’à sa propre fin. Le sort des autres lui devient indifférent, il n'est plus disponible pour réparer son crime... Au contraire, le prisonnier à perpétuité a le temps de réfléchir et de s'amender. VIII Après cette phase de désespoir, le condamné tente de calculer froidement le temps qui lui reste, mais cela finit comme un compte à rebours, d’autant plus oppressant qu’il ne sait plus depuis combien de temps il est enfermé. En tout six semaines. La petite fille avait raison. Or voilà cinq semaines au moins [...] que je suis dans ce cabanon de Bicêtre. Malgré ce qu'annonce le titre, Le Dernier Jour d'un Condamné ne se déroule pas sur 24h, mais sur 1 semaine à peu près, avec en plus des retours dans le passé. Pour Victor Hugo, le plus important, ce n'est pas l'unité de temps ou de lieu, mais bien l'unité d'action. IX Le condamné a fait son testament. Il réalise qu’il ne pourra rien léguer à ses proches, car il doit payer son exécution. La guillotine, c’est fort cher. Je laisse une mère, je laisse une femme, je laisse un enfant. J’admets que je sois justement puni ; ces innocentes, qu’ont-elles fait ? N’importe ; on les déshonore, on les ruine. C’est la justice. Ma pauvre vieille mère a soixante-quatre ans, elle mourra du coup. [...] Ma femme [...] mourra aussi. À moins qu’elle ne devienne folle. Mais ma fille, [...] ma pauvre petite Marie, qui rit, qui chante à cette heure [...] c’est elle qui me fait mal ! Avec ce registre pathétique, Hugo veut montrer que la peine de mort enlève définitivement une personne à ses proches sans pour autant soulager les victimes. Elle augmente l'injustice en punissant des innocents. X Le prisonnier décrit son cachot avec minutie. C'est déjà pratiquement un tombeau. Huit pieds carrés. Quatre murailles de pierre de taille. [...] Une noire voûte en ogive. [...] Pas de fenêtres, pas même de soupirail. [...] Je me trompe ; au centre de la porte, [...] une ouverture [...] coupée d’une grille en croix. Un jour il entend même son guichetier faire une visite guidée. Le prisonnier est radicalement coupé des autres, ceux qui continuent à vivre, ceux qui continuent d'être humains. Ces cachots sont tout ce qui reste de l’ancien château de Bicêtre tel qu’il fut bâti dans le quinzième siècle par le cardinal de Winchester, le même qui fit brûler Jeanne d’Arc. J’ai entendu dire cela à des curieux [...] qui me regardaient à distance comme une bête de la ménagerie. Le guichetier a eu cent sous. Cette référence à Jeanne d'Arc n'est pas anodine, elle rappelle que la peine de mort sert des intérêts politiques il faut se débarrasser d'une personne qui serait gênante même en prison. Cela favorise donc les faux procès. Autre argument le condamné à mort devient martyr d'une cause. C'est le cas des résistants et des libérateurs, mais également des terroristes. Au lieu de faire un exemple, la peine de mort donne le criminel en exemple. Aux yeux de certains [...] l'exécution du terroriste en fait une sorte de héros [...] au service d'une cause. Dès lors apparaît le risque [...] de voir se lever [...] pour un terroriste exécuté, vingt jeunes gens égarés. [...] La peine de mort nourrit le terrorisme. Robert Badinter, Discours à l’Assemblée Nationale, Pendant la nuit, le prisonnier regarde les murs de sa cellule avec une lampe, ils sont couverts d’inscriptions. Ce sont les dernières traces des condamnés, comme autant d'épitaphes. J’aimerais à [...] retrouver chaque homme sous chaque nom ; à rendre le sens et la vie à ces inscriptions mutilées, [...] corps sans tête comme ceux qui les ont écrits. Pauvre jeune homme ! Que leurs prétendues nécessités politiques sont hideuses ! La référence à Jeanne d'Arc permettait à Victor Hugo de préparer cette dénonciation les partisans républicains comme Jean-François Bories sont sacrifiés pour des raisons politiques. XII Sous une toile d'araignée, le condamné découvre encore d’autres noms Dautun, celui qui a coupé son frère en quartiers, et qui allait la nuit dans Paris jetant la tête dans une fontaine et le tronc dans un égout ; Poulain, celui qui a assassiné sa femme ; Jean Martin, celui qui a tiré un coup de pistolet à son père [...] ; Castaing, ce médecin qui a empoisonné son ami, et qui, [...] au lieu de remède lui redonnait du poison. Papavoine, l’horrible fou qui tuait les enfants à coups de couteau sur la tête ! Voilà [...] quels ont été avant moi les hôtes de cette cellule. C’est ici, sur la même dalle où je suis, qu’ils ont pensé leurs dernières pensées, ces hommes de meurtre et de sang ! [...] Ils se sont succédé à de courts intervalles ; [...] ce cachot ne désemplit pas. Victor Hugo cite les pires crimes mutilations, parricide, empoisonnement avec préméditation, meurtre d'enfants. Est-ce que cela ne justifie pas la peine de mort ? Victor Hugo donne déjà quelques éléments de réponse D'abord, la peine de mort fait disparaître les criminels, comme la toile d'araignée qui couvre leurs noms et leurs pensées. Les causes et motifs des crimes disparaissent avec eux. Seul un véritable travail d'analyse donnerait les clés de compréhension des crimes, et donc le moyen de les empêcher à l'avenir. Par exemple, Michel Fourniret, incarcéré depuis 2008, avoue de nouveaux meurtres 10 ans plus tard, et participe à la recherche des corps. La peine de mort aurait laissé ces crimes irrésolus, sans reconnaissance par la société, ni sanction pénale, ce qui est le pire cas de figure pour les familles des victimes. Ensuite, si la peine de mort était dissuasive, pourquoi ce cachot est-il sans cesse rempli ? Aucun de ces crimes passionnels n'a pu être empêché par la peine de mort. Ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles. Robert Badinter, Discours à l’Assemblée Nationale, 1981. Enfin, pour Victor Hugo, jouer avec la vie et la mort, c'est nier l'importance de la spiritualité dans la vie humaine. Le registre fantastique lui permet d'illustrer cette question que devient l'âme d'un homme exécuté ? Il m’a semblé tout à coup [...] que le cachot était plein d’hommes [...] qui portaient leur tête [...] par la bouche, parce qu’il n’y avait pas de chevelure. [...] Ô les épouvantables spectres ! [...] Chimère à la Macbeth ! Les morts sont morts, ceux-là surtout. [...] Bien cadenassés dans le sépulcre. [...] Comment se fait-il donc que j’aie eu peur ainsi ? Ici Victor Hugo est ironique il laisse entendre l'inverse de ce qu'il dit. S'il y a des morts qui reviennent, ce sont justement ceux-là ceux qui ont eu une mort violente. Et ce n'est pas un cadenas qui les empêchera de revenir ! Le Dernier Jour d'un Condamné n'est pas découpé en grandes parties, mais on peut retrouver une logique théâtrale avec ici la fin d'un premier acte et un changement de décor. On a tous les éléments de l'intrigue, le mécanisme tragique est enclenché. Avec mes vidéos, je vais tenter de suivre ces mouvements. ⇨ Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un Condamné 📓 Texte intégral au format PDF ⇨ Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un Condamné 🃏 Chapitres I à XII axes de lecture ⇨ Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un Condamné 🎨 Portraits des personnages ⇨ Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un Condamné 🎞️ Chapitres I à XII diaporama de la vidéo ⇨ Hugo, Le dernier jour d'un condamné 🎧 chapitres 1 à 12 podcast ⇨ Hugo, Le dernier jour d'un condamné 📚 Chapitres 1 à 12 PDF
Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres,Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ;Maintenant que je suis sous les branches des arbres,Et que je puis songer à la beauté des cieux ;Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscureJe sors, pâle et vainqueur,Et que je sens la paix de la grande natureQui m'entre dans le cœur ;Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,Emu par ce superbe et tranquille horizon,Examiner en moi les vérités profondesEt regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;Maintenant, ô mon Dieu ! que j'ai ce calme sombreDe pouvoir désormaisVoir de mes yeux la pierre où je sais que dans l'ombreElle dort pour jamais ;Maintenant qu'attendri par ces divins spectacles,Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté,Voyant ma petitesse et voyant vos miracles,Je reprends ma raison devant l'immensité ;Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire ;Je vous porte, apaisé,Les morceaux de ce cœur tout plein de votre gloire Que vous avez brisé ;Je viens à vous, Seigneur ! confessant que vous êtesBon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant !Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,Et que l'homme n'est rien qu'un jonc qui tremble au vent ;Je dis que le tombeau qui sur les morts se fermeOuvre le firmament ;Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le termeEst le commencement ;Je conviens à genoux que vous seul, père auguste,Possédez l'infini, le réel, l'absolu ;Je conviens qu'il est bon, je conviens qu'il est justeQue mon cœur ait saigné, puisque Dieu l'a voulu !Je ne résiste plus à tout ce qui m'arrivePar votre de deuils en deuils, l'homme de rive en rive,Roule à l' ne voyons jamais qu'un seul côté des choses ;L'autre plonge en la nuit d'un mystère subit le joug sans connaître les ce qu'il voit est court, inutile et faites revenir toujours la solitudeAutour de tous ses n'avez pas voulu qu'il eût la certitudeNi la joie ici-bas !Dès qu'il possède un bien, le sort le lui ne lui fut donné, dans ses rapides jours,Pour qu'il s'en puisse faire une demeure, et dire C'est ici ma maison, mon champ et mes amours !Il doit voir peu de temps tout ce que ses yeux voient ;Il vieillit sans ces choses sont, c'est qu'il faut qu'elles soient ;J'en conviens, j'en conviens !Le monde est sombre, ô Dieu ! l'immuable harmonieSe compose des pleurs aussi bien que des chants ;L'homme n'est qu'un atome en cette ombre infinie,Nuit où montent les bons, où tombent les sais que vous avez bien autre chose à faireQue de nous plaindre tous,Et qu'un enfant qui meurt, désespoir de sa mère,Ne vous fait rien, à vous !Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue,Que l'oiseau perd sa plume et la fleur son parfum ;Que la création est une grande roueQui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu'un ;Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent,Passent sous le ciel bleu ;Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent ;Je le sais, ô mon Dieu !Dans vos cieux, au-delà de la sphère des nues,Au fond de cet azur immobile et dormant,Peut-être faites-vous des choses inconnuesOù la douleur de l'homme entre comme est-il utile à vos desseins sans nombreQue des êtres charmantsS'en aillent, emportés par le tourbillon sombreDes noirs destins ténébreux vont sous des lois immensesQue rien ne déconcerte et que rien n' ne pouvez avoir de subites clémencesQui dérangent le monde, ô Dieu, tranquille esprit !Je vous supplie, ô Dieu ! de regarder mon âme,Et de considérerQu'humble comme un enfant et doux comme une femme,Je viens vous adorer !Considérez encor que j'avais, dès l'aurore,Travaillé, combattu, pensé, marché, lutté,Expliquant la nature à l'homme qui l'ignore,Eclairant toute chose avec votre clarté ;Que j'avais, affrontant la haine et la colère,Fait ma tâche ici-bas,Que je ne pouvais pas m'attendre à ce salaire,Que je ne pouvais pasPrévoir que, vous aussi, sur ma tête qui ploieVous appesantiriez votre bras triomphant,Et que, vous qui voyiez comme j'ai peu de joie,Vous me reprendriez si vite mon enfant !Qu'une âme ainsi frappée à se plaindre est sujette,Que j'ai pu blasphémer,Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jetteUne pierre à la mer !Considérez qu'on doute, ô mon Dieu ! quand on souffre,Que l'œil qui pleure trop finit par s'aveugler,Qu'un être que son deuil plonge au plus noir du gouffre,Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler,Et qu'il ne se peut pas que l'homme, lorsqu'il sombreDans les afflictions,Ait présente à l'esprit la sérénité sombreDes constellations !Aujourd'hui, moi qui fus faible comme une mère,Je me courbe à vos pieds devant vos cieux me sens éclairé dans ma douleur amèrePar un meilleur regard jeté sur l' je reconnais que l'homme est en délireS'il ose murmurer ;Je cesse d'accuser, je cesse de maudire,Mais laissez-moi pleurer !Hélas ! laissez les pleurs couler de ma paupière,Puisque vous avez fait les hommes pour cela !Laissez-moi me pencher sur cette froide pierreEt dire à mon enfant Sens-tu que je suis là ?Laissez-moi lui parler, incliné sur ses restes,Le soir, quand tout se tait,Comme si, dans sa nuit rouvrant ses yeux célestes,Cet ange m'écoutait !Hélas ! vers le passé tournant un œil d'envie,Sans que rien ici-bas puisse m'en consoler,Je regarde toujours ce moment de ma vieOù je l'ai vue ouvrir son aile et s'envoler !Je verrai cet instant jusqu'à ce que je meure,L'instant, pleurs superflus !Où je criai L'enfant que j'avais tout à l'heure,Quoi donc ! je ne l'ai plus !Ne vous irritez pas que je sois de la sorte,Ô mon Dieu ! cette plaie a si longtemps saigné !L'angoisse dans mon âme est toujours la plus forte,Et mon cœur est soumis, mais n'est pas vous irritez pas ! fronts que le deuil réclame,Mortels sujets aux pleurs,Il nous est malaisé de retirer notre âmeDe ces grandes nos enfants nous sont bien nécessaires,Seigneur ; quand on a vu dans sa vie, un matin,Au milieu des ennuis, des peines, des misères,Et de l'ombre que fait sur nous notre destin,Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,Petit être joyeux,Si beau, qu'on a cru voir s'ouvrir à son entréeUne porte des cieux ;Quand on a vu, seize ans, de cet autre soi-mêmeCroître la grâce aimable et la douce raison,Lorsqu'on a reconnu que cet enfant qu'on aimeFait le jour dans notre âme et dans notre maison,Que c'est la seule joie ici-bas qui persisteDe tout ce qu'on rêva,Considérez que c'est une chose bien tristeDe le voir qui s'en va !
Le Deal du moment Cartes Pokémon Japon le display ... Voir le deal Les Mahteux ¯`._.[ La Littérature ]._.´¯ Pour ceux qui aiment la poésie AuteurMessageZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Mors Victor Hugo, 1856, poème in Les Contemplations Ven 24 Oct - 830 MORS Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ. Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant, Noir squelette laissant passer le crépuscule. Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule, L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx. Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux Tombaient; elle changeait en désert Babylone, Le trône en l'échafaud et l'échafaud en trône, Les roses en fumier, les enfants en oiseaux, L'or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux. Et les femmes criaient - Rends-nous ce petit être. Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître? - Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas; Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats; Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre; Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit; Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit. Derrière elle, le front baigné de douces flammes, Un ange souriant portait la gerbe d'âmes. Mars Hugo, Les Contemplations 1856 ZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poème in Les Contemplations Ven 24 Oct - 832 Commentaire littéraire I- Qui voit ? Qui est vu ?Différents personnages les hommes pas de portait précis, pas de nom, désigne les hommes en général, la faucheuse allégorie de la mort, désignée par elle », squelette », faux » ,elle-même désignée par lueur », rayon lumineux faible, le poète je », inspiré par la Muse, a le sentiment d’avoir une mission, il a un don de poète voyant, il est un peu en retrait, il voit la mort agir et le lecteur est invité à le rejoindre, fée, peuples, triomphateurs généraux, gens qui sont plus puissants, ange, ensemble de l’humanité représentée, la mort touche tout le monde, pas de lieu décrit. La mort est toute puissante, c’est elle qui a le dernier Qu’est-ce qui fait la puissance de la mort ?Elle agit en tout lieu et concerne tout le monde, toute époque Babylone, fait référence à d’anciennes civilisations, occupation de l’espace en bas, en haut », elle domine, marque le territoire, il y a des antithèses rosefumier, orcendres. On passe d’un extrême a l’autre, métamorphose brutal des situations, illusion que peut avoir l’homme d’être tout puissant, riche => inversement des rôles, pouvoir inexorable. La mort ne peut être arrêtée, domination de la Sort de l’humanitéOn ne peut lutter contre cette mort, elle touche tout le monde, le poète ne peut agir contre cette Champs lexical de la mortPeur, nuit, mort, angoisse…, évocation de la peur doigts osseux, noirs grabats »On peut également travailler sur les sonorités et les sensations de ce poème, notamment lorsque Hugo parle de la faucheuse, les sonorités entraînent le lecteur dans une atmosphère pesante et angoissante…Conclusion De ce poème, c’est tout d’abord la vision effroyable que nous retiendrons, l’utilisation particulièrement efficace des procédés poétiques, linguistiques, auditifs. On observe cependant un contraste avec l’ange, il n’y a pas de transition pour désigner l’ange à part le terme derrière elle », il représente une vison de paix, d’apaisement, sourire, vision plutôt positive. Toutefois, derrière le pessimisme de ce texte, que la brève conclusion ne parvient pas a dissiper, il est important de souligner que Victor Hugo, est bien au bout de son long combat personnel de la mort de sa fille, le moi » s’efface pour laisser place à une préoccupation plus large, et Hugo redevient le mage et le chantre de l’humanité. Hugo était persuadé d’une vie après la mort. ZAKARYAAdmin Nombre de messages 323Age 32Localisation MideltEmploi/loisirs EtudiantDate d'inscription 11/10/2008Sujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poème in Les Contemplations Ven 24 Oct - 834 Autre possibilité analyse linéaire du poème MorsIntroduction Le poème Mors de Victor Hugo que nous allons étudier est un poème de 20 vers qui nous présente le triomphe absolu de la mort, par la description d'une atmosphère d'apocalypse que les deux derniers vers ne parviennent peut-être pas à dissiper. Le poème s'organise autour d'un double jeu de sensations. D'une part, la sensation visuelle, largement développée dans les dix premiers vers, introduite par le passé simple "je vis"; d'autre part la sensation auditive développée à partir du verbe "crier". Nous allons faire une lecture linéaire du poème Mors qui s'efforcera de développer à partir de l'étude des procédés stylistiques et phonétiques ce double jeu de linéaire Installé au dessus du poème avec des majuscules écrasantes et la tonalité d'éternité que lui donne l'utilisation du latin, le titre Mors préfigure l'ensemble du texte. Le jeu initial vient donner au texte sa tonalité lyrique. Toutefois, c'est là sa dernière pensée du poète s'élargit pour prendre en compte l'humanité toute entière. La mort nous est présentée à travers l'allégorie traditionnelle de la "faucheuse". Une mort qui est constamment présente comme le suggère l'imparfait, une mort que nous connaissons de plus comme l'indique le démonstratif "cette"; mais une mort qui surprend toujours, comme elle surprit le poète lui-même par l'utilisation du passé simple "je vis".Le royaume de la mort nous est précisé à travers la métaphore du "champ" qui, dans ses accents pascaliens, réduit le monde à un espace limité. C'est la même métaphore filée qui vient nous décrire l'activité incessante de la mort "moissonnant et fauchant". La répétition des participes présents souligne le travail répétitif, alors que le verbe "aller" nous montre qu'aucun obstacle ne peut freiner ce content de nous le décrire, Hugo nous le fait initiative des chuintantes et des sifflantes développée tout au long du poème évoque parfaitement le sifflement sinistre de la "faulx" "faucheuse" et "champ", "moissonnant" et "fauchent", "triomphateurs" et "triomphaux", "échafaud" répété deux fois. Dans une atmosphère d'apocalypse, la mort nous est présentée à partir d'un champ lexical de la peur et de la nuit "noir", "squelette", "crépuscule", "ombre", "tremble" en même temps que les gutturales "crépuscule", "ombre", "dirait", "tremble", "recule" qui nous font entendre le frisson de la au spectre qui se fond dans la nuit "laissant passer le crépuscule", la victime est incapable du moindre mouvement "suivait des yeux" alors que l'arme prend des allures particulièrement inquiétantes, parce qu'elle est presque invisible elle aussi "les lueurs de la faulx". La mort travaille donc inlassablement, frappant d'égalité l'ensemble de ses victimes. L'alexandrin hugolien se gonfle de la puissance humaine évoquée par la redondance "triomphateurs", "triomphaux", "l'arc" connotant également le cette puissance humaine qui contient d'ailleurs en elle-même le bruit de l'arme qui doit l'abattre "faulx" est balayée par le rejet du verbe "tomber". Par un jeu d'antithèses, le poète insiste sur le travail de la mort, l'opulence de "Babylone" s'oppose à l'austérité du "désert", le lieu des supplices "échafaud" s'oppose à la noblesse du "trône" image égalisatrice qui est soutenue par le chiasme. L'antithèse est également affective de la "rose" au "fumier". Enfin, "l'or", symbole de richesse et de puissance s'oppose à la "cendre" qui connote la poussière et la Hugo ne peut pousser jusqu'au bout ce jeu de l'antithèse au cadavre de "l'enfant", il substitue sous forme d'espoir l'image aérienne et libre de "l'oiseau"; travail qui engendre la souffrance et la révolte, une souffrance qui est symbolisée par l'hyperbolique peine des "mères" "les yeux en ruisseaux", révolte qui introduit la sensation auditive dominante dans la seconde partie "criaient", révolte mise en valeur par l'impératif "rends-nous" où la main semble hésiter à se croiser ou à se lever, poing fermé vers le ciel. Travail de la mort qui va en effet jusqu'à l'absurdité insupportable. La cohabitation dans le même vers des verbes "mourir" et "naître" nous confronte en effet à la mort de l'enfant, plus incompréhensible poème se termine dans une nouvelle évocation de la peur et de l'horreur l'horreur des "doigts osseux", des "noirs grabats", des "linceuls", des "peuples éperdus", de "la faulx sombre", du "troupeau frissonnant", montrent un champ lexical particulièrement développé. Derrière le vocabulaire, la musique des mots le souffle glacé de la bise "vent", "froid", "bruisser", "linceul", "semblaient", "sous", "faulx", "sombre", "frissonnant", "s'enfuit", la peur phonétique des gutturales "sortaient", "noirs grabats", "froid", "bruissait", "nombre", "éperdus", "sombre", "troupeau", "frissonnant", "ombre". La rime assourdie "nombre-sombre" reprise phonétiquement par le mot "ombre" contribue aussi, de par ses tonalités mineures, à la tristesse du tableau. Tableau qui se termine par l'effrayante synthèse ponctuée par les monosyllabes "tout", "sous", "ces", "pieds", "deuil", "et", "nuit" ainsi que par la gradation "deuil", "épouvante", "nuit". La "nuit" traduit une fin brutale. La rime masculine, l'accent douloureux du "i" viennent interrompre la ici que pourrait se terminer le poème, cependant, les deux derniers vers allument un espoir, qui est souligné par l'antithèse du vocabulaire et l'antithèse phonétique. Aux champs lexicaux de la chaleur et de la nuit s'opposent les champs lexicaux de la chaleur et de la lumière "baigné", "douces flammes", "souriant". Au locatif "sous" s'oppose le locatif "derrière elle". Aux sonorités étouffées "sombre", "ombre" s'oppose l'ouverture des voyelles "derrière", "baigné", "flammes", "ange", "souriant", "portrait", "âmes". Enfin, Hugo réutilise la métaphore filée c'est la mort qui moissonne et c'est l'ange qui De ce poème, c'est naturellement tout d'abord la vision effroyable que nous retiendrons, l'utilisation particulièrement efficace des procédés poétiques, linguistiques et auditifs. Toutefois, derrière le pessimisme de ce texte, que la brève conclusion de parvient pas à dissiper, il est important de souligner que Victor Hugo est bien au bout de son long combat personnel de la mort de Léopoldine. Le "moi" s'efface pour laisser place à une préoccupation plus large, et Hugo redevient le mage et le chantre de l'humanité. Contenu sponsoriséSujet Re Mors Victor Hugo, 1856, poème in Les Contemplations Mors Victor Hugo, 1856, poème in Les Contemplations Page 1 sur 1Permission de ce forumVous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forumLes Mahteux ¯`._.[ La Littérature ]._.´¯ Pour ceux qui aiment la poésieSauter vers
Temps de lecture 24 minutes > Il est rare que l’œuvre comme les engagements d’un auteur suscitent l’admiration c’est le cas de Victor HUGO 1806-1885. À la fois poète, écrivain, dramaturge, dessinateur et homme politique, il a fait rimer idéaux esthétiques et sociaux. Ouvrir Les Misérables ou Les Contemplations, c’est comprendre le sens du mot génie ». Savoir admirer est une haute puissance. Victor Hugo [ 31 juillet 2021] Si je vous dis Notre Dame de Paris, Les Misérables ou encore L’Homme qui rit, vous me répondez sans aucune hésitation Victor Hugo ! Parmi les nombreuses histoires qui accompagnent l’un des écrivains les plus célèbres de la littérature française, saviez-vous seulement que la Belgique était devenue sa terre d’asile pendant plus de 500 jours ? Pour vous y retrouver, cliquez ici... Derrière l’auteur, le politique engagéBelgique, terre d’accueilIntroductionL’auteurLe texteDu génieLe goûtUtilité du Beau Derrière l’auteur, le politique engagé Celui qui est considéré comme le père du romantisme français met sa plume au service de son engagement politique. Plusieurs sources situent ses débuts en politique après le décès tragique de sa fille, Léopoldine, en 1843. Quel qu’en ait été l’élément déclencheur, Victor Hugo est nommé “Pair de France” par le roi Louis-Philippe en 1845 et rejoint le camp des Républicains. Membre de l’Académie française depuis 1841, le poète se dresse contre la peine de mort et l’injustice sociale, à la Chambre, et est élu maire du 8e arrondissement de Paris et député en 1848. Sous la IIe République, Hugo juge les lois trop réactionnaires, et dénonce la réduction du droit de vote et de la liberté de la presse. Il s’insurge également face à la terrible répression menée par l’armée suite aux 4 journées d’insurrection ouvrière à Paris, en juin 1848. Initialement allié au régime du roi, le romantique se détache finalement de la droite, pour soutenir la candidature de Louis Napoléon Bonaparte. Élu Président de la République le 10 décembre 1848, mais politiquement isolé, ce dernier échoue à s’attirer les bonnes grâces de l’Assemblée, majoritairement conservatrice. A ses yeux, le futur Napoléon III représente le chef de la famille Bonaparte, l’héritier de l’Empereur, son oncle, et son continuateur présomptif. Il y a là un problème sa fonction présidentielle est limitée à un seul mandat de 4 ans. Impossible, donc, pour Louis-Napoléon de rallonger sa présidence pour la transformer en monarchie, à moins d’imposer la révision par la force. Belgique, terre d’accueil “Moi, je les aime fort ces bons Belges” © Pour contrer le coup d’Etat du 2 décembre 1851, visant à rétablir l’Empire, Victor Hugo signe un appel à la résistance armée – “charger son fusil et se tenir prêt” peut-on lire dans le magazine Geo –, sans succès. Pour éviter le bannissement, le poète décide alors de fuir la France qu’il dit tyrannisée par “le petit“. Le 11 décembre 1851 au soir, il monte à bord d’un train en direction de Bruxelles depuis la gare du Nord. Dissimulé sous une fausse identité, Jacques-Firmin Lanvin, ouvrier imprimeur, Hugo arrive en Belgique par Quiévrain. Le plat pays ne lui est pas étranger, puisqu’il s’y était rendu pour la première fois en vacances aux côtés de Juliette Drouet, en 1837. Victor Hugo s’installe pour 7 mois sur la Grand-Place de Bruxelles, dans la Maison du Moulin à vent puis la Maison du pigeon. Il gagne ensuite l’île anglo-normande de Jersey pour les 10 prochaines années. La célébrité littéraire française, dont la véritable identité ne resta pas longtemps secrète à Bruxelles, ne semble pas pouvoir se séparer de notre pays si facilement. “En 1861, il est venu faire un voyage en Belgique. Il a résidé à Bruxelles et à Spa pendant quelques mois ; depuis lors il est venu passer chaque année une partie de la belle saison dans le royaume, parcourant les champs de bataille ou les parties curieuses du pays. Il n’a jamais été mis obstacle à son séjour.” [Source document du 30 mai 1871, extrait du dossier conservé aux Archives générales du Royaume] C’est lors de son retour en 1862 qu’il peaufine Les Misérables. Véritable manifeste contre la pauvreté, trop délicat pour lui de le publier en France. C’est ainsi qu’il se tourne vers Lacroix & Verboeckhoven, une maison d’édition bruxelloise située rue des Colonies. En mars 1871, le romancier français regagne une nouvelle fois le sol belge et s’installe place des Barricades n°4 à Bruxelles au moment de l’éclatement de la guerre civile en France. Chez nous, ses prises de position provoquent le désarroi de quelques citoyens qui réclament alors son expulsion. Hugo quitte la Belgique et débarque au Grand-Duché du Luxembourg le 1er juin 1871. Il décédera à Paris le 22 mai 1885, âgé de 83 ans. Romane Carmon, Le texte suivant est extrait d’un cahier central de préparé par Victorine de Oliveira. Le numéro 137 de mars 2020 était consacré à notre besoin d’admirer “L’admiration, c’est ce qui vient briser notre rapport instrumental au monde. Quand nous la ressentons, nous oscillons entre émancipation et aliénation. Comment ne pas nous perdre en elle ?” En savoir plus sur Introduction Quand on s’appelle Victor Hugo et qu’on a déjà une bonne partie de son œuvre et de sa carrière politique derrière soi, admirer n’a pas exactement la même signification que pour le commun des mortels. Face à une œuvre d’art, une symphonie de Beethoven ou À la recherche du temps perdu de Proust, il y a fort à parier que nous nous sentions tous petits. Déjà que le moindre rhume suffit à nous faire manquer l’heure du réveil, pas sûr que nous survivions à une surdité incurable ou à de sévères difficultés respiratoires chroniques. Alors pour ce qui est de composer ou d’écrire… L’admiration suppose a priori une hiérarchie, un piédestal sur lequel repose l’objet que l’on ne peut que regarder d’en bas. Hugo perçoit une autre dynamique loin de marquer la distance, l’objet d’admiration laisse entre- voir la possibilité d’un monde – “Vous avez vu les étoiles.” Une vision qui ne laisse pas indemne, avec un avant et un après. La faute à ce pouvoir étrange qu’ont les œuvres de nous transformer “Toute œuvre d’art est une bouche de chaleur vitale ; l’homme se sent dilaté. La lueur de l’absolu, si prodigieusement lointaine, rayonne à travers cette chose, lueur sacrée et presque formidable à force d’être pure. L’homme s’absorbe de plus en plus dans cette œuvre ; il la trouve belle ; il la sent s’introduire en lui.” D’autres parleront d’ouvrir les portes de la perception, mais c’est une autre histoire. Qu’est-ce qui attire dans telle ou telle œuvre, chez tel ou tel auteur? “Ils ont sur la face une pâle sueur de lumière. L’âme leur sort par les pores. Quelle âme ? Dieu“, répond Hugo. L’objet d’admiration est touché par la grâce, dispose d’un accès direct au divin. Mais loin de concevoir le génie de façon aristocratique, comme quelque chose qui distingue différentes espèce d’êtres humains mais aussi les époques, Hugo veut croire qu’il montre la voie, tend la main, bâtit un pont – façon d’accorder opinions politiques, son républicanisme, et pensée esthétique. Certes, dans un premier temps, ceux qui portent la marque du génie “laissent l’humanité derrière eux. Voir les autres horizons, approfondir cette aventure qu’on appelle l’espace, faire une excursion dans l’inconnu, aller à la découverte du côté de l’idéal, il leur faut cela.” Mais, en définitive, “ils consolent et sourient. Ce sont des hommes.” C’est pourquoi l’échange, la circulation sont possibles. “Il est impossible d’admirer un chef-d’œuvre sans éprouver en même temps une certaine estime de soi“, s’enthousiasme Hugo. Voilà de quoi créer une véritable “République des lettres”. L’ennui, c’est que “malgré 89, malgré 1830, le peuple n’existe pas encore en rhétorique“. Pourquoi ? La faute à une certaine critique, plus occupée à opérer des distinctions, à étaler sa propre érudition, qu’à transmettre un souffle, un élan. Hugo, modeste, se place plutôt du côté du critique grand philosophe’ que du génie – encore qu’on ne peut s’empêcher de noter que la liste des auteurs cités forme une lignée unie sous la plume de celui qui les loue. “Les enthousiasmes de l’art étudié ne sont donnés qu’aux intelligences supérieures ; savoir admirer est une haute puissance” ; admiration rime donc potentiellement avec création. Il n’y a plus qu’à… L’auteur “Je veux être Chateaubriand ou rien” c’est en admirant que Victor Hugo est devenu le monument que l’on sait. Né le 26 février 1806 à Besançon d’un père général d’Empire et d’une mère issue de la bourgeoisie, il n’a pas 10 ans quand il commence à écrire des vers. En créant avec ses frères la revue Le Conservateur littéraire, il affiche une première préférence royaliste. Stratégie judicieuse la pension que lui verse le roi Louis XVIII après la parution de son premier recueil de poèmes Odes, en 1821, lui permet de vivre de sa plume, de devenir Victor Hugo. Il brise les codes du théâtre classique en 1827 avec sa pièce Cromwell – finies les unités de temps et de lieu -, puis déclenche une bataille aussi physique que littéraire lors de la première représentation d’Hernani en 1830. Hauteville House à Guernesey le cabinet de travail de Hugo © DP Dans le même temps, ses idées politiques évoluent s’il soutient dans un premier temps la répression des révoltes de 1848, il désapprouve les lois anti-liberté de la presse. Son Discours sur la misère de 1849, alors qu’il est député, marque un tournant. De plus en plus ouvertement opposé au pouvoir, il est finalement contraint à l’exil à partir de 1851, d’abord à Bruxelles, puis à Jersey et à Guernesey. Là-bas naissent Les Châtiments 1853, Les Contemplations 1856, La Légende des siècles 1859, Les Misérables 1862, Les Travailleurs de la mer 1866. Le poète y déploie son génie en même temps que ses inquiétudes sociales et sa sympathie pour tous les Gavroche. Ce n’est qu’à la chute du Second Empire, en 1870, qu’il peut enfin rentrer en France. Devenu une figure populaire, il est accueilli triomphalement. Plusieurs centaines de milliers de personnes assistent à ses funérailles en 1885, couronnant son statut d’écrivain le plus admiré de son vivant. Le texte Écrites lors de sa période d’exil à Guernesey mais parues après sa mort, les Proses philosophiques sont des réflexions très libres, lyriques et poétiques sur les thèmes du goût, du beau et de l’art. Elles commencent par une célébration de l’incommensurable beauté du cosmos et se poursuivent par la description de l’élan créateur humain. Hugo s’y place en modeste spectateur et admirateur de merveilles qui le subjuguent et le dépassent. Du génie BOCH Anna, Femme lisant dans un massif de rhododendrons © Wikimédia Commons Vous êtes à la campagne, il pleut, il faut tuer le temps, vous prenez un livre, le premier livre venu, vous vous mettez à lire ce livre comme vous liriez le journal officiel de la préfecture ou la feuille d’affiches du chef-lieu, pensant à autre chose, distrait, un peu bâillant. Tout à coup vous vous sentez saisi, votre pensée semble ne plus être à vous, votre distraction s’est dissipée, une sorte d’absorption, presque une sujétion, lui succède, -vous n’êtes plus maître de vous lever et de vous en aller. Quelqu’un vous tient. Qui donc ? ce livre. Un livre est quelqu’un. Ne vous y fiez pas. Un livre est un engrenage. Prenez garde à ces lignes noires sur du papier blanc ; ce sont des forces ; elles se combinent, se composent, se décomposent, entrent l’une dans l’autre, pivotent l’une sur l’autre, se dévident, se nouent, s’accouplent, travaillent. Telle ligne mord, telle ligne serre et presse, telle ligne entraîne, telle ligne subjugue. Les idées sont un rouage. Vous vous sentez tiré par le livre. Il ne vous lâchera qu’après avoir donné une façon à votre esprit. Quelquefois les lecteurs sortent du livre tout à fait transformés. Homère et la Bible font de ces miracles. Les plus fiers esprits, et les plus fins et les plus délicats, et les plus simples, et les plus grands, subissent ce charme. Shakespeare était grisé par Belleforest. La Fontaine allait partout criant Avez-vous lu Baruch ? Corneille, plus grand que Lucain, est fasciné par Lucain. Dante est ébloui de Virgile, moindre que lui. Entre tous, les grands livres sont irrésistibles. On peut ne pas se laisser faire par eux, on peut lire le Coran sans devenir musulman, on peut lire les Védas sans devenir fakir, on peut lire Zadig sans devenir voltairien, mais on ne peut point ne pas les admirer. Là est leur force. Je te salue et je te combats, parce que tu es roi, disait un Grec à Xerxès. On admire près de soi. L’admiration des médiocres caractérise les envieux. L’admiration des grands poètes est le signe des grands critiques. Pour découvrir au-delà de tous les horizons les hauteurs absolues, il faut être soi-même sur une hauteur. Ce que nous disons là est tellement vrai qu’il est impossible d’admirer un chef-d’œuvre sans éprouver en même temps une certaine estime de soi. On se sait gré de comprendre cela. Il y a dans l’admiration on ne sait quoi de fortifiant qui dignifie et grandit l’intelligence. L’enthousiasme est un cordial. Comprendre c’est approcher. Ouvrir un beau livre, s’y plaire, s’y plonger, s’y perdre, y croire, quelle fête ! On a toutes les surprises de l’inattendu dans le vrai. Des révélations d’idéal se succèdent coup sur coup. Mais qu’est-ce donc que le beau ? Ne définissez pas, ne discutez pas, ne raisonnez pas, ne coupez pas un fil en quatre, ne cherchez pas midi à quatorze heures, ne soyez pas votre propre ennemi à force d’hésitation, de raideur et de scrupule. Quoi de plus bête qu’un pédant ? Allez devant vous, oubliez votre professeur de rhétorique, dites-vous que Dieu est inépuisable, dites-vous que l’art est illimité, dites-vous que la poésie ne tient dans aucun art poétique, pas plus que la mer dans aucun vase, cruche ou amphore ; soyez tout bonnement un honnête homme ayant la grandeur d’admirer, laissez-vous prendre par le poète, ne chicanez pas la coupe sur l’ivresse, buvez, acceptez, sentez, comprenez, voyez, vivez, croissez ! L’éclair de l’immense, quelque chose qui resplendit, et qui est brusquement surhumain, voilà le génie. De certains coups d’aile suprêmes. Vous tenez le livre, vous l’avez sous les yeux, tout à coup il semble que la page se déchire du haut en bas comme le voile du temple. Par ce trou, l’infini apparaît. Une strophe suffit, un vers suffit, un mot suffit. Le sommet est atteint. Tout est dit. Lisez Ugolin, Françoise dans le tourbillon, Achille insultant Agamemnon, Prométhée enchaîné, les Sept chefs devant Thèbes, Hamlet dans le cimetière, Job sur son fumier. Fermez le livre maintenant. Songez. Vous avez vu les étoiles. Il y a de certains hommes mystérieux qui ne peuvent faire autrement que d’être grands. Les bons badauds qui composent la grosse foule et le petit public et qu’il faut se garder de confondre avec le peuple, leur en veulent presque à cause de cela. Les nains blâment le colosse. Sa grandeur, c’est sa faute. Qu’est-ce qu’il a donc, celui-là, à être grand ? S’appeler Miguel de Cervantès, François Rabelais ou Pierre Corneille, ne pas être le premier grimaud venu, exister à part, jeter toute cette ombre et tenir toute cette place ; que tel mandarin, que tel sorbonniste, que tel doctrinaire fameux, grand personnage pourtant, ne vous vienne pas à la hanche, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela ne se fait pas. C’est insupportable. COURBET Gustave, Le désespéré autoportrait, 1844-45 © Collection privée Pourquoi ces hommes sont-ils grands en effet ? ils ne le savent point eux-mêmes. Celui-là le sait qui les a envoyés. Leur stature fait partie de leur fonction. Ils ont dans la prunelle quelque vision redoutable qu’ils emportent sous leur sourcil. Ils ont vu l’océan comme Homère, le Caucase comme Eschyle, la douleur comme Job, Babylone comme Jérémie, Rome comme Juvénal, l’enfer comme Dante, le paradis comme Milton, l’homme comme Shakespeare, Pan comme Lucrèce, Jéhovah comme Isaïe. Ils ont, ivres de rêve et d’intuition, dans leur marche presque inconsciente sur les eaux de l’abîme, traversé le rayon étrange de l’idéal, et ils en sont à jamais pénétrés. Cette lueur se dégage de leurs visages, sombres pourtant, comme tout ce qui est plein d’inconnu. Ils ont sur la face une pâle sueur de lumière. L’âme leur sort par les pores. Quelle âme ? Dieu. Remplis qu’ils sont de ce jour divin, par moments missionnaires de civilisation, prophètes de progrès, ils entr’ouvrent leur cœur, et ils répandent une vaste clarté humaine ; cette clarté est de la parole, car le Verbe, c’est le jour. – ô Dieu, criait Jérôme dans le désert, je vous écoute autant des yeux que des oreilles – Un enseignement, un conseil, un point d’appui moral, une espérance, voilà leur don ; puis leur flanc béant et saignant se referme, cette plaie qui s’est faite bouche et qui a parlé rapproche ses lèvres et rentre dans le silence, et ce qui s’ouvre maintenant, c’est leur aile. Plus de pitié, plus de larmes. Éblouissement. Ils laissent l’humanité derrière eux. Voir les autres horizons, approfondir cette aventure qu’on appelle l’espace, faire une excursion dans l’inconnu, aller à la découverte du côté de l’idéal, il leur faut cela. Ils partent. Que leur fait l’azur ? que leur importe les ténèbres ? Ils s’en vont, ils tournent aux choses terrestres leur dos formidable, ils développent brusquement leur envergure démesurée, ils deviennent on ne sait quels monstres, spectres peut-être, peut-être archanges, et ils s’enfoncent dans l’infini terrible, avec un immense bruit d’aigles envolés. Puis tout à coup ils reparaissent. Les voici. Ils consolent et sourient. Ce sont des hommes. Ces apparitions et ces disparitions, ces départs et ces retours, ces occultations brusques et ces subites présences éblouissantes, le lecteur, absorbé, illuminé et aveuglé par le livre, les sent plus qu’il ne les voit. Il est au pouvoir d’un poète, possession troublante, fréquentation presque magique et démoniaque, il a vaguement conscience du va-et-vient énorme de ce génie ; il le sent tantôt loin, tantôt près de lui ; et ces alternatives, qui font successivement pour lui lecteur l’obscurité et la lumière, se marquent dans son esprit par ces mots – Je ne comprends plus. – Je comprends. Quand Dante, quittant l’enfer, entre et monte dans le paradis, le refroidissement qu’éprouvent les lecteurs n’est pas autre chose que l’augmentation de distance entre Dante et eux. C’est la comète qui s’éloigne. La chaleur diminue. Dante est plus haut, plus avant, plus au fond, plus loin de l’homme, plus près de l’absolu. Schlegel un jour, considérant tous ces génies, a posé cette question qui chez lui n’est qu’un élan d’enthousiasme et qui, chez Fourier ou Saint-Simon, serait le cri d’un système – Sont-ce vraiment des hommes, ces hommes-ci ? Oui, ce sont des hommes ; c’est leur misère et c’est leur gloire. Ils ont faim et soif ; ils sont sujets du sang, du climat, du tempérament, de la fièvre, de la femme, de la souffrance, du plaisir ; ils ont, comme tous les hommes, des penchants, des pentes, des entraînements, des chutes, des assouvissements, des passions, des pièges, ils ont, comme tous les hommes, la chair avec ses maladies, et avec ses attraits, qui sont aussi des maladies. Ils ont leur bête. La matière pèse sur eux, et eux aussi ils gravitent. Pendant que leur esprit tourne autour de l’absolu, leur corps tourne autour du besoin, de l’appétit, de la faute. La chair a ses volontés, ses instincts, ses convoitises, ses prétentions au bien-être ; c’est une sorte de personne inférieure qui tire de son côté, fait ses affaires dans son coin, a son moi à part dans la maison, pourvoit à ses caprices ou à ses nécessités, parfois comme une voleuse, et à la grande confusion de l’esprit auquel elle dérobe ce qui est à lui. L’âme de Corneille fait Cinna ; la bête de Corneille dédie Cinna au financier Montaron. PRETI Mattia, Homère aveugle détail, ca. 1635 © Academia Venezia Chez certains, sans rien leur ôter de leur grandeur, l’humanité s’affirme par l’infirmité. Le rayon archangélesque est dans le cerveau ; la nuit brutale est dans la prunelle. Homère est aveugle ; Milton est aveugle. Camoes borgne semble une insulte. Beethoven sourd est une ironie. Ésope bossu a l’air d’un Voltaire dont Dieu a fait l’esprit en laissant Fréron faire le corps. L’infirmité ou la difformité infligée à ces bien-aimés augustes de la pensée fait l’effet d’un contrepoids sinistre, d’une compensation peu avouable là-haut, d’une concession faite aux jalousies dont il semble que le créateur doit avoir honte. C’est peut-être avec on ne sait quel triomphe envieux que, du fond de ces ténèbres, la matière regarde Tyrtée et Byron planer comme génies et boiter comme hommes. Ces infirmités vénérables n’inspirent aucun effroi à ceux que l’enthousiasme fait pensifs. Loin de là. Elles semblent un signe d’élection. Être foudroyé, c’est être prouvé titan. C’est déjà quelque chose de partager avec ceux d’en haut le privilège d’un coup de tonnerre. À ce point de vue, les catastrophes ne sont plus catastrophes, les souffrances ne sont plus souffrances, les misères ne sont plus misères, les diminutions sont augmentations. Être infirme ainsi que les forts, cela tenterait volontiers. Je me rappelle qu’en 1828, tout jeune, au temps où ••• me faisait l’effet d’un ami, j’avais des taches obscures dans les yeux. Ces taches allaient s’élargissant et noircissant. Elles semblaient envahir lentement la rétine. Un soir,chez Charles Nodier, je contai mes taches noires, que j’appelais mes papillons, à •••, qui, étudiant en médecine et fils d’un pharmacien, était censé s’y connaître et s’y connaissait en effet. Il regarda mes yeux, et me dit doucement – C’est une amaurose commençante. Le nerf optique se paralyse. Dans quelques années la cécité sera complète. Une pensée illumina subitement mon esprit. – Eh bien, lui répondis-je en souriant, ce sera toujours ça. Et voilà que je me mis à espérer que je serais peut-être un jour aveugle comme Homère et comme Milton. La jeunesse ne doute de rien. Le goût [ … ] Certaines œuvres sont ce qu’on pourrait appeler les excès du beau. Elles font plus qu’éclairer ; elles foudroient. Étant données les paresses et les lâchetés de l’esprit humain, cette foudre est bonne. Allons au fait, parquer la pensée de l’homme dans ce qu’on appelle “un grand siècle” est puéril. La poésie suivant la cour a fait son temps. L’humanité ne peut se contenter à jamais d’une tragédie qui plafonne au-dessus de la tête-soleil de Louis XIV. Il est inouï de penser que tout notre enseignement universitaire en est encore là et qu’à la fin du dix-neuvième siècle les pédants et les cuistres tiennent bon sur toute la ligne. L’enseignement littéraire est tout monarchique. Malgré 89, malgré 1830, le peuple n’existe pas encore en rhétorique. Pourtant, ô ignorance des professeurs officiels ! la littérature antique proteste contre la littérature classique et, pour pratiquer le grand art libre, les anciens sont d’accord avec les nouveaux. Un jour Béranger, ce Français coupé de Gaulois, ne sachant ni le latin ni le grec, le plus littéraire des illettrés, vit un Homère sur la table de Jouffroy. C’était au plus fort du mouvement de 1830, mouvement compliqué de résistance. Béranger, rencontrant Homère, fut curieux de faire cette connaissance. Un chansonnier, qui voit passer un colosse, n’est pas fâché de lui taper sur l’épaule. –Lisez-moi donc un peu de ça, dit Béranger à Jouffroy. Jouffroy contait qu’alors il ouvrit l’Iliade au hasard, et se mit à lire à voix haute, traduisant littéralement du grec en français. Béranger écoutait. Tout à coup, il interrompit Jouffroy et s’écria –Mais il n’y a pas ça ! – Si fait, répondit Jouffroy. Je traduis à la lettre. – Jouffroy était précisément tombé sur ces insultes d’Achille à Agamemnon que nous citions tout à l’heure. Quand le passage fut fini, Béranger, avec son sourire à deux tranchants dont la moquerie restait indécise, dit Homère est romantique. Béranger croyait faire une niche ; une niche à tout le monde, et particulièrement à Homère. Il disait une vérité. Romantique, traduisez primitif Ce que Béranger disait d’Homère, on peut le dire d’Ézéchiel, on peut le dire de Plaute, onpeut le dire de Tertullien, on peut le dire du Romancero, on peut le dire des Niebelungen. On a vu qu’un professeur de l’école normale le disait de Juvénal. Ajoutons ceci un génie primitif, ce n’est pas nécessairement un esprit de ce que nous appelons à tort les temps primitifs. C’est un esprit qui, en quelque siècle que ce soit et à quelque civilisation qu’il appartienne, jaillit directement de la nature et de l’humanité. Quiconque boit à la grande source est primitif ; quiconque vous y fait boire est primitif. Quiconque a l’âme et la donne est primitif. Beaumarchais est primitif autant qu’Aristophane ; Diderot est primitif autant qu’Hésiode. Figaro et le Neveu de Rameau sortent tout de suite et sans transition du vaste fond humain. Il n’y a là aucun reflet ; ce sont des créations immédiates ; c’est de la vie prise dans la vie. Cet aspect de la nature qu’on nomme société inspire tout aussi bien les créations primitives que cet autre aspect de la nature appelé barbarie. Don Quichotte est aussi primitif qu’Ajax. L’un défie les dieux, l’autre les moulins ; tous deux sont hommes. Nature, humanité, voilà les eaux vives. L’époque n’y fait rien. On peut être un esprit primitif à une époque secondaire comme le seizième siècle, témoin Rabelais, et à une époque tertiaire comme le dix-septième, témoin Molière. Primitif a la même portée qu’original avec une nuance de plus. Le poète primitif, en communication intime avec l’homme et la nature, ne relève de personne. À quoi bon copier des livres, à quoi bon copier des poètes, à quoi bon copier des choses faites, quand on est riche de l’énorme richesse du possible, quand tout l’imaginable vous est livré, quand on a devant soi et à soi tout le sombre chaos des types, et qu’on se sent dans la poitrine la voix qui peut crier “Fiat Lux”. Le poète primitif a des devanciers, mais pas de guides. Ne vous laissez pas prendre aux illusions d’optique, Virgile n’est point le guide de Dante ; c’est Dante qui entraîne Virgile ; et où le mène-t-il ? chez Satan. C’est à peine si Virgile tout seul est capable d’aller chez Pluton. Le poète original est distinct du poète primitif, en ce qu’il peut avoir, lui, des guides et des modèles. Le poète original imite quelquefois ; le poète primitif jamais. La Fontaine est original, Cervantès est primitif. À l’originalité, de certaines qualités de style suffisent ; c’est l’idée-mère qui fait l’écrivain primitif. Hamilton est original, Apulée est primitif. Tous les esprits primitifs sont originaux ; les esprits originaux ne sont pas tous primitifs. Selon l’occasion, le même poète peut être tantôt original, tantôt primitif. Molière, primitif dans Le Misanthrope, n’est qu’original dans Amphitryon. L’originalité a d’ailleurs, elle aussi, tous les droits ; même le droit à une certaine politesse, même le droit à une certaine fausseté. Marivaux existe. Il ne s’agit que de s’entendre, et nous n’excluons, certes, aucun possible. La draperie est un goût, le chiffon en est un autre. Ce dernier goût, le chiffon, peut-il faire partie de l’art ? Non, dans les vaudevilles de Scribe. Oui, dans les figurines de Clodion. Où la langue manque, Boileau a raison, tout manque. Or la langue de l’art, que Scribe ignore, Clodion la sait. Le bonnet de Mimi Rosette peut avoir du style. Quand Coustou chiffonne une faille sur la tête d’un sphinx qui est une marquise, ce taffetas de marbre fait partie de la chimère et vaut la tunique aux mille plis de la Cythérée Anadyomène. En vérité, il n’y a point de règles. Rien étant donné, pétrissez-y l’art, et voici une ode d’Horace ou d’Anacréon. Une mode de la rue Vivienne, touchée par Coysevox ou Pradier, devient éternelle. Une manière d’écrire qu’on a tout seul, un certain pli magistralement imprimé à tout le style, un air de fête de la muse, une façon à soi de toucher et de manier une idée, il n’en faut pas plus pour faire des artistes souverains ; témoin Horace. Cependant, insistons-y, le poète qui voit dans l’art plus que l’art, le poète qui dans la poésie voit l’homme, le poète qui civilise à bon escient, le poète, maître parce qu’il est serviteur, c’est celui-là que nous saluons. Qu’un Goethe est petit à côté d’un Dante ! En toute chose, nous préférons celui qui peut s’écrier j’ai voulu ! Ceci soit dit sans méconnaître, certes, la toute-puissance virtuelle et intrinsèque de la beauté, même indifférente. Si d’aussi chétifs détails valaient la peine d’être notés, ce serait peut-être ici le lieu de rappeler, chemin faisant, les aberrations et les puérilités malsaines d’une école de critique contemporaine, morte aujourd’hui, et dont il ne reste plus un seul représentant, le propre du faux étant de ne se point recruter. Ce fut la mode dans cette école, qui a fleuri un moment, d’attaquer ce que, dans un argot bizarre, elle nommait la forme’. La forme forma, la beauté. Quel étrange mot d’ordre ! Plus tard, ce fut l’attaque à la grandeur. Faire grand’ devint un défaut. Quand le beau est un tort, c’est le signe des époques bourgeoises ; quand le grand est un crime, c’est le signe des règnes petits. La logomachie était curieuse. Cette école avait rendu ce décret la forme est incompatible avec le fond. Le style exclut la pensée. L’image tue l’idée. Le beau est stérile. L’organe de la conception et de la fécondation lui manque. Vénus ne peut faire d’enfants. Or c’est le contraire qui est vrai. La beauté, étant l’harmonie, est par cela même la fécondité. La forme et le fond sont aussi indivisibles que la chair et le sang. Le sang, c’est de la chair coulante ; la forme, c’est le fond fluide entrant dans tous les mots et les empourprant. Pas de fond, pas de forme. La forme est la résultante. S’il n’y a point de fond, de quoi la forme est-elle la forme ? Nous objectera-t-on que nous avons dit tout à l’heure Rien étant donné, etc. ; mais Rien n’avait là qu’un sens relatif, “nescio quid meditans nugarum” [“Je ne sais quelles bagatelles“, tiré de Satire d’Horace, 65-8 ACN], et une bagatelle d’Horace, c’est quelquefois le fond même de la vie humaine. Le beau est l’épanouissement du vrai la splendeur, a dit Platon. Fouillez les étymologies, arrivez à la racine des vocables, image et idée sont le même mot. Il y a entre ce que vous nommez forme et ce que vous nommez fond identité absolue, l’une étant l’extérieur de l’autre, la forme étant le fond, rendu visible. Si cette école du passé avait raison, si l’image excluait l’idée, Homère, Eschyle, Dante, Shakespeare, qui ne parlent que par images, seraient vides. La Bible qui, comme Bossuet le constate, est toute figures, serait creuse. Ces chefs-d’œuvre de l’esprit humain seraient de la forme’. De pensée point. Voilà où mène un faux point de départ. Cette école de critique, un instant en crédit, a disparu et est maintenant oubliée. C’est comme cas singulier que nous la mentionnons ici dans notre clinique ; car, comme l’art lui-même, la critique a ses maladies, et la philosophie de l’art est tenue de les enregistrer. Cela est mort, peu importe ; de certains spécimens veulent être conservés. Ce qui n’est pas né viable a droit au bocal des fœtus. Nous y mettons cette critique. REPIN Ilia, Quelle liberté ! 1903 © Musée russe, Saint-Petersbourg De loi en loi, de déduction en déduction, nous arrivons à ceci carte blanche, coudées franches, câbles coupés, portes toutes grandes ouvertes, allez. Qu’est-ce que l’océan? C’est une permission. Permission redoutable, sans nul doute. Permission de se noyer, mais permission de découvrir un monde. Aucun rhumb de vent [En navigation, le rhumb est la quantité angulaire comprise entre deux des trente-deux aires de vent de la boussole], aucune puissance, aucune souveraineté, aucune latitude, aucune aventure, aucune réussite, ne sont refusés au génie. La mer donne permission à la nage, à la rame, à la voile, à la vapeur, à l’aube, à l’hélice. L’atmosphère donne permission aux ailes et aux aéroscaphes, aux condors et aux hippogriffes. Le génie, c’est l’omnifaculté. En poésie, il procède par une continuité prodigieuse de l’Iliade, sans qu’on puisse imaginer où s’arrêtera cette série d’Homère dont Rabelais et Shakespeare font partie. En architecture, tantôt il lui plaît de sublimer la cabane, et il fait le temple; tantôt il lui plaît d’humaniser la montagne, et, s’il la veut simple, il fait la pyramide, et, s’il la veut touffue, il fait la cathédrale ; aussi riche avec la ligne droite qu’avec les mille angles brisés de la forêt, également maître de la symétrie à laquelle il ajoute l’immensité, et du chaos auquel il impose l’équilibre. Quant au mystère, il en dispose. À un certain moment sacré de l’année, prolongez vers le zénith la ligne de Khéops, et vous arriverez, stupéfait, à l’étoile du Dragon ; regardez les flèches de Chartres, d’Angers, de Strasbourg, les portails d’Amiens et de Reims, la nef de Cologne, et vous sentirez l’abîme. Sa science est prodigieuse. Les initiés seuls, et les forts,savent quelle algèbre il y a sous la musique ; il sait tout, et ce qu’il ne sait pas, il le devine, et ce qu’il ne devine pas, il l’invente, et ce qu’il n’invente pas, il le crée ; et il invente vrai, et il crée viable. Il possède à fond la mathématique de l’art ; il est à l’aise dans des confusions d’astres et de ciels ; le nombre n’a rien à lui enseigner; il en extrait, avec la même facilité, le binôme pour le calcul et le rythme pour l’imagination ; il a, dans sa boîte d’outils, employant le fer où les autres n’ont que le plomb, et l’acier où les autres n’ont que le fer, et le diamant où les autres n’ont que l’acier, et l’étoile où les autres n’ont que le diamant, il a la grande correction, la grande régularité, la grande syntaxe, la grande méthode, et nul comme lui n’a la manière de s’en servir. Et il complique toute cette sagesse d’on ne sait quelle folie divine, et c’est là le génie. C’est une chose profonde que la critique, et défendue aux médiocres. Le grand critique est un grand philosophe ; les enthousiasmes de l’art étudié ne sont donnés qu’aux intelligences supérieures ; savoir admirer est une haute puissance. [ … ] L’antagonisme supposé du goût et du génie est une des niaiseries de l’école. Pas d’invention plus grotesque que cette prise aux cheveux de la muse par la muse. Uranie et Galliope en viennent aux coiffes. Non, rien de tel dans l’art. Tout y harmonie, même la dissonance. Le goût, comme le génie, est essentiellement divin. Le génie, c’est la conquête ; le goût, c’est le choix. La griffe toute-puissante commence par tout prendre, puis l’œil flamboyant fait le triage. Ce triage dans la proie, c’est le goût. Chaque génie le fait à sa guise. Les épiques mêmes diffèrent entre eux d’humeur. Le triage d’Homère n’est pas le triage de Rabelais. Quelquefois, ce que l’un rejette, l’autre le garde. Ils savent tous les deux ce qu’ils font, mais ils ne peuvent jurer de rien ni l’un ni l’autre, l’idéal, qui est l’infini, est au-dessus d’eux, et il pourra fort bien arriver un jour, si l’éclair héroïque et la foudre cynique se mêlent, qu’un mot de Rabelais devienne un mot d’Homère, et alors ce sera Cambronne qui le prononcera. L’art a, comme la flamme, une puissance de sublimation. Jetez dans l’art, comme dans la flamme, les poisons, les ordures, les rouilles, les oxydes, l’arsenic, le vert-de-gris, faites passer ces incandescences à travers le prisme ou à travers la poésie, vous aurez des spectres splendides, et le laid deviendra le grand, et le mal deviendra le beau. Chose surprenante et ravissante à affirmer, le mal entrera dans le beau et s’y transfigurera. Car le beau n’est autre chose que la sainte lumière du bon. Dans le goût, comme dans le génie, il y a de l’infini. Le goût, ce pourquoi mystérieux, cette raison de chaque mot employé, cette préférence obscure et souveraine qui, au fond du cerveau, rend des lois propres à chaque esprit, cette seconde conscience donnée aux seuls poètes, et aussi lumineuse que l’autre, cette intuition impérieuse de la limite invisible, fait partie, comme l’inspiration même, de la redoutable puissance inconnue. Tous les souffles viennent de la bouche unique. Le génie et le goût ont une unité qui est l’absolu, et une rencontre qui est la beauté. Utilité du Beau ANTO-CARTE, Le Jardinier 1941, photo Jacques Vandenberg © SABAM Belgium 2022 Un homme a, par don de nature ou par développement d’éducation, le sentiment du Beau. Supposez-le en présence d’un chef-d’œuvre, même d’un de ces chefs-d’œuvre qui semblent inutiles, c’est-a-dire qui sont créés sans souci direct de l’humain, du juste et de l’honnête, dégagés de toute préoccupation de conscience et faits sans autre but que le Beau ; c’est une statue, c’est un tableau, c’est une symphonie, c’est un édifice, c’est un poème. En apparence, cela ne sert à rien, à quoi bon une Vénus ? à quoi bon une flèche d’église ? à quoi bon une ode sur le printemps ou l’aurore, etc., avec ses rimes ? Mettez cet homme devant cette œuvre. Que se passe-t-il en lui ? le Beau est là. L’homme regarde, l’homme écoute ; peu à peu, il fait plus que regarder, il voit ; il fait plus qu’écouter, il entend. Le mystère de l’art commence à opérer ; toute œuvre d’art est une bouche de chaleur vitale ; l’homme se sent dilaté. La lueur de l’absolu, si prodigieusement lointaine, rayonne à travers cette chose, lueur sacrée et presque formidable à force d’être pure. L’homme s’absorbe de plus en plus dans cette œuvre ; il la trouve belle ; il la sent s’introduire en lui. Le Beau est vrai de droit. L’homme, soumis à l’action du chef-d’œuvre, palpite, et son cœur ressemble à l’oiseau qui, sous la fascination, augmente son battement d’ailes. Qui dit belle œuvre dit œuvre profonde ; il a le vertige de cette merveille entr’ouverte. Les doubles-fonds du Beau sont innombrables. Sans que cet homme, soumis à l’épreuve de l’admiration, s’en rende bien clairement compte peut-être, cette religion qui sort de toute perfection, la quantité de révélation qui est dans le Beau, l’éternel affirmé par l’immortel, la constatation ravissante du triomphe de l’homme dans l’art, le magnifique spectacle, en face de la création divine, d’une création humaine, émulation inouïe avec la nature, l’audace qu’a cette chose d’être un chef-d’œuvre à côté du soleil, l’ineffable fusion de tous les éléments de l’art, la ligne, le son, la couleur, l’idée, en une sorte de rythme sacré, d’accord avec le mystère musical du ciel, tous ces phénomènes le pressent obscurément et accomplissent, à son insu même, on ne sait quelle perturbation en lui. Perturbation féconde. Une inexprimable pénétration du Beau lui entre par tous les pores. Il creuse et sonde de plus en plus l’œuvre étudiée ; il se déclare que c’est une victoire pour une intelligence de comprendre cela, et que tous peut-être n’en sont pas capables ni dignes; il y a de l’exception dans l’admiration, une espèce de fierté améliorante le gagne ; il se sent élu, il lui semble que ce poème l’a choisi. Il est possédé du chef-d’œuvre. Par degrés, lentement, à mesure qu’il contemple ou à mesure qu’il lit, d’échelon en échelon, montant toujours, il assiste, stupéfait, à sa croissance intérieure ; il voit, il comprend, il accepte, il songe, il pense, il s’attendrit, il veut ; les sept marches de l’initiation ; les sept noces de la lyre auguste qui est nous-mêmes. Il ferme les yeux pour mieux voir, il médite ce qu’il a contemplé, il s’absorbe dans l’intuition, et tout à coup, net, clair, incontestable, triomphant, sans trouble, sans brume, sans nuage, au fond de son cerveau, chambre noire, l’éblouissant spectre solaire de l’idéal apparaît ; et voilà cet homme qui a un autre cœur. [ … ] [INFOS QUALITE] statut validé mode d’édition partage, correction et iconographie sources Philosophie Magazine n°137 ; contributeur Patrick Thonart crédits illustrations en-tête, Victor Hugo par Edmond Bacot 1862 © WIKIMEDIA COMMONS Victor Hugo dans Textes… Lire encore… THONART Il était une fois une Méchante Reine… malgré elle 2011CHAISSAC, Gaston 1910-1964LAWRENCE textesKIPLING textesBREL Les Flamingants 1977FOIX textesVIENNE L’équilibre nouvelle, 2017RAHIR La Beauté sûre de nos vies 2020DE LUCA Montedidio GALLIMARD, Folio, 2002VALERY textesLABE Baise m’encor Sonnets, 1555
ce que c est que la mort victor hugo